Hommage à Benjamin Dessus

Ingénieur, économiste, spécialiste de l’énergie et du nucléaire, nous rendons pour ce premier portrait hommage à Benjamin Dessus, fondateur de Global Chance, qui nous avait accordé un entretien en 2019. Retour sur le parcours et le portrait de l’un des plus grands critiques du modèle énergétique français.

 

 

« Je ne vois pas comment tu peux exercer une démocratie quelconque si tu n’arrives pas à te mettre d’accord sur un minimum de faits. »

Dans le cadre du groupe de travail Sciences Sociétés Démocratie, nous avons pu mener un premier entretien avec M. Benjamin Dessus, ingénieur économiste, spécialiste des questions énergétiques et cofondateur de l’association Global Chance. Nous lui avons tout d’abord demandé de revenir sur son parcours et ses engagements, notamment au regard de différents processus auxquels il a pu prendre part et qui ont mis en relation chercheurs, experts et citoyens.

Parcours et engagements

Formé en tant qu’ingénieur Télécoms, Benjamin a d’abord travaillé au laboratoire de Marcoussi au sein d’un programme de recherche sur les lasers et l’électronique quantique, dans une période où le contexte socio-économique était encore très favorable au développement de tels sujets scientifiques.

« J’ai fait ça pendant 4 ou 5 ans, c’était marrant, c’était l’époque où nous faisions beaucoup de choses, il y avait beaucoup d’argent, on inventait un laser tous les matins, c’était tout à fait amusant. Donc j’étais purement dans la science et très content comme ça. »

Avec les mouvements sociaux de 1968 et la période qui s’ensuit, ses collègues et lui prennent conscience que la recherche est trop coupée du reste de la société.

« On a occupé les locaux, on s’est opposé à notre patron, etc. On a commencé à prendre conscience qu’il y avait des gens “à côté” de la recherche. »

Après ces épisodes mouvementés, Benjamin quitte Marcoussis pour rejoindre le service d’étude et recherche d´EDF pour y faire des travaux sur la métrologie optique afin de développer des techniques de mesures fines, beaucoup utilisées pour le développement des centrales nucléaires. Cette expérience va l’amener à s’intéresser de près à la question énergétique, et à questionner les différentes options de scénarios énergétiques dont la France peut se doter.

« Les centrales nucléaires commençant à exister, cela posait pas mal de questions sur le nucléaire, et sur le modèle énergétique français. »

Il s’est vite retrouvé sur le développement de la première centrale solaire française, baptisée Thémis, à Targassonne, dans les Pyrénées. C’était la première fois qu’une équipe d’ingénieurs avait un outil complet à construire, contrairement aux dispositifs nucléaires dont la fabrication était fragmentée en de nombreuses tâches. L’équipe dans laquelle travaillait Benjamin fut en charge de la fabrication de Thémis de A à Z, qui a fonctionné de 1983 à 1987, avant d’être transformée en centre de recherche sur l’énergie solaire.

 

La centrale expérimentale Thémis

 

Dans le même temps, avec les débats soulevés par le modèle énergétique français, Benjamin se demande quels scénarios sont envisageables pour sortir du nucléaire. Il a travaillé avec trois autres collègues scientifiques à la rédaction du « projet Alter », un des premiers scénarios visant au tout renouvelable (en 1977 !).

« C’était évidemment une utopie, mais très curieusement, cette utopie a instantanément fait des tas de petits. C’était un truc totalement illisible, fait à la main, plein de calculs. Cela avait été fait par un mathématicien, Phlippe Courrège, Philippe Chartier, François Pharabod et moi. Philippe Chartier, était un chercheur de l’INRA, Phlippe Courrège, un mathématicien pointilleux, François et moi avec nos cultures d’ingénieur. Résultat un texte très illisible, sorti de sous le manteau, de 50 pages écrites à la main, qui s’est diffusé largement. Et tout le monde s’est mis à faire des projets alter régionaux. Autrement dit, cela a été repris complètement par les gens qui avaient envie d’en faire quelque chose. »

Pour Benjamin, la prospective peut constituer un outil démocratique assez puissant. Selon lui, l’étude en elle-même n’a pas d’intérêt réel mais elle permet d’offrir aux individus un cadre de débat pour comparer différents scénarios envisageables. Face à un état désirable sur un enjeu de société, la prospective permet de débattre des éléments permettant sa réalisation. Pour permettre cela, il faut impérativement que ce modèle de prospective soit simple et appropriable.

Page de couverture du rapport Alter publié par le club de Bellevue en 1977[1]

Dans les années 1980, Benjamin Dessus quitte EDF pour rentrer à l’Agence française de maîtrise de l’énergie (l’AFME, créée en 1982 qui deviendra l’ADEME 10 ans plus tard). C’est en 1992, qu’en compagnie de Martine Barrère et Philippe Roqueplo, il fonde Global Chance, afin de mettre au service de la société civile une expertise sur les problématiques globales liées à l’environnement et au climat, particulièrement en matière d’énergie.

« On s’aperçoit bien que les problèmes globaux, en particulier d’environnement, mais pas seulement, prennent une importance considérable dans notre civilisation. On peut soit en faire un réflexe de repli sur soi, soit au contraire un réflexe de solidarité. De solidarité intellectuelle pour discuter avec les gens, les scientifiques, etc., de solidarité sociale etc. Donc d’ouverture au contraire. »

Benjamin attire notre attention sur la posture de Global Chance.

« Nous ne prétendons pas être objectifs, nous avons un certain nombre de principes idéologiques de base. On affirme ces principes idéologiques de base, mais on s’engage à les décliner convenablement et honnêtement. »

Sur le rapport Sciences-Sociétés-Démocratie

Un des plus gros travail de Global Chance est de tout mettre en œuvre pour « appeler un chat un chat ». En effet, pour Benjamin, la problématique centrale qui caractérise ce rapport « Sciences, Sociétés, Démocratie » est que les faits deviennent progressivement négociés. Le développement des Fake News et la multiplication phénoménale des sources d’informations fait que l’on ne sait plus s’accorder sur un socle élémentaire de faits pour caractériser une situation, et cela y compris dans le milieu scientifique.

« Pour faire le pari de l’intelligence collective, il faut travailler sur un certain nombre de faits, tu as un certain nombre de faits sur lesquels tu te mets d’accord. Après ça, tu t’engueules sur la façon d’améliorer les faits. Et ça, c’est la politique a priori. Tu dis « voilà, il y a tant de pauvres, comment est-ce que je fais pour qu’il y en ait moins ? ». Et toute la difficulté à laquelle on se heurte aujourd’hui, et de plus en plus depuis 20 ans, c’est que les faits sont devenus négociables. »

Comment construire un débat démocratique sur de telles bases ? Selon Benjamin Dessus, il y aurait lieu à s’accorder sur le minimum de faits à l’égard desquels on peut par la suite construire une décision rationnelle sur la base de ces faits.

Pour lui, un des dispositifs qui pourrait permettre de concilier ce problème avec les enjeux démocratiques pourrait être les conférences de citoyens. Outil de démocratie expérimenté à divers endroits dans le monde, la conférence de citoyens permet de rassembler un petit échantillon de citoyens tirés au sort, qui sont formés sur un sujet technique précis pour élaborer des recommandations. Depuis, Sciences Citoyennes a travaillé avec Démocratie Ouverte à la rédaction d’un projet Pour des Conventions citoyennes.

Notre expert connaît bien ce dispositif, puisqu’il figurait dans le comité scientifique de l’une des premières conférences de citoyens organisée en France, qui portait sur le thème « Citoyenneté et climat ». Elle visait à recueillir l’avis d’un panel de citoyens sur les réponses à apporter aux changements climatiques, notamment induits par les gaz à effet de serre[2].

Benjamin indique qu’il a été très agréablement surpris par la qualité du rapport rendu par les citoyens. Le sujet discuté était en effet relativement complexes et pas, a priori, à la portée du premier venu. Pourtant, le résultat était globalement très solide et c’est là, selon lui, le gros point fort du dispositif. Il est solide et représentatif.

« Ils ont commencé leur conférence en disant : « Nous citoyens… voilà ce qu’on pense ! ». C’était tout à fait impressionnant. Là, tu te dis qu´effectivement, c’est pas mal quand même, ça peut se faire. Et ça marche. »

Cependant, de manière un peu plus cynique et critique, il s’est montré déçu que cette procédure n’ait pas plus de portée. En effet, l’avis rendu par les citoyens au terme de la conférence n’a absolument rien de contraignant pour le décideur. Il caricature en disant qu’il n’est pas certain que le rapport (qui fait seulement 12 pages) ait même été lu par les décideurs en capacité d’agir sur le sujet. Selon lui, le point central pour que ce dispositif ait un intérêt quelconque est de pouvoir négocier en amont que son contenu fasse a minima l’objet d’une réponse détaillée et argumentée des décideurs pour expliquer quels points seront mis en œuvre et comment, ainsi qu’une argumentation quant au refus de points qui ne seront pas mis en œuvre. Sans cette garantie préalable, ce dispositif ne peut pas constituer un véritable outil de démocratie participative qui soit réellement impactant.

« La plus grosse limite c’est que l’on n’a pas pris de précautions. On n’a pas réussi à faire dire d’avance au gouvernement qu’on tiendra compte de ce qu’ils diraient. […] Il faut que d’une certaine façon, ces éléments de démocratie participative soient pris en compte. Ça ne veut pas dire que la représentation du peuple va accepter les conclusions du participant, mais qu’il s’engage à le regarder et à dire à minima pourquoi il ne le respecte pas. »

Sans ces précautions, on prend le risque de décourager les citoyens et scientifiques qui se disent que cela n’a aucun intérêt de passer du temps et de l’énergie à produire des connaissances et des rapports qui ne seront jamais mobilisés.

Il établit par la suite le parallèle avec une des mobilisations climatiques sur laquelle Global Chance est investie depuis sa création, à savoir l’impact du méthane sur l’effet de serre. Depuis plus de 20 ans, Bernard Laponche et Benjamin Dessus produisent rapports sur rapports pour mettre en évidence des mesures qui pourraient être prises pour lutter contre les émissions dues au méthane, et seraient beaucoup moins coûteuses que celles pour le CO2 et beaucoup plus efficaces[3]. Malgré un travail de vulgarisation et des données solides, il reste difficile de mobiliser la population sur ce sujet.

 

Image tirée de l’article Le méthane un gaz qui pèse lourd sur le climat sur le site de Global Chance.

« Je ne sais pas ce qu’il se passe. Il y a un certain nombre de lobbies qui n’ont pas envie qu’on en parle évidemment mais bon, ça ne me semble pas suffire. Mais c’est la même chose sur le nucléaire d’une certaine façon. […] Ça n’a pas changé si tu veux, l’argument n’a pas changé. Et tout d’un coup ; maintenant ça commence à passer. Et on ne sait pas pourquoi. »

Quels modes d’actions face aux enjeux ?

On en arrive progressivement à la question de la mobilisation citoyenne et des réponses à apporter aux questions que soulèvent nos modèles de développements (économiques comme technologiques). Benjamin se pose de plus en plus la question du degré de radicalité à mettre dans les engagements militants face à des enjeux comme celui du réchauffement climatique.

« La question que je me pose c’est : est-ce que ça vaut la peine de faire ce qu’on fait ? Est-ce qu’il ne vaut pas mieux mettre des bombes et faire autre chose ? Je ne suis pas du tout convaincu qu’il faut continuer comme ça. Que « Sciences Démocratie », ça soit la bonne solution. »

Bien sûr par « bombes », il ne parle pas de préparer des attentats mais bien d’autres manières de jouer sur l’opinion public, qui provoqueraient d’autres réactions face des enjeux identifiés comme critiques (l’effet du méthane par exemple, mais la liste est longue).

« D’autres méthodes. Le théâtre, ou je sais pas quoi tu sais… Mais l’analyse rationnelle au service des citoyens, je ne sais pas si ça sert à quelque chose. Est-ce qu’il ne faut pas travailler sur l’émotion, je me pose la question aujourd’hui. »

A propos des idéologies

Face à cette relativisation totale de ce qui est établi comme vérité, on est amenés à se demander ce qui crée de telles divisions au sein des communautés scientifiques. Est-ce un enjeu idéologique qui pousse à opposer les savoirs ?

À cela, Benjamin nous rétorque que l’idéologie ne remet pas en question les faits mais l’interprétation de ce qu’il faut faire, compte tenu de ces faits. Pour lui, au delà des idéologies, il faut pouvoir réduire les connaissances à ce qu’elles ont de plus consensuelles avant de débattre sur de ce sur quoi on souhaite agir.

« Je ne vois pas comment tu peux exercer une démocratie quelconque si tu n’arrives pas à te mettre d’accord sur un minimum de faits. »

L’idéologie n’est donc pas en opposition à l’objectivité. Il serait absolument nécessaire pour l’expertise de renoncer à une prétendue neutralité impossible à atteindre. Toute personne à une opinion sur ce qui lui paraît souhaitable. Il préconise plutôt d’annoncer clairement les principes avec lesquels l’expert parle et s’engage par exemple à de l’honnêteté, de la rigueur, de la transparence… plutôt qu’une prétendue neutralité[4].

« C’est important parce que les experts les moins neutres se protègent derrière la neutralité. Parce que les « moi je n’ai pas d’opinion »… C’est pas vrai ! Ils ont une opinion, c’est pas parce que tu es expert que tu n’a pas d’opinion. Par contre, tu peux t’engager à dire « voilà mes principes de base… » et agir avec en étant honnête. »

Quel constat peut-on en tirer sur le les interactions entre Sciences, Sociétés et Démocratie ?

Pour Benjamin Dessus, le rôle essentiel des experts et scientifiques est de faire parvenir une information fiable et claire aux citoyens afin de faire parvenir des images de l’avenir raisonnable. Il est de leur responsabilité de mettre de l’ordre dans ce qui est dit aux citoyens concernant des enjeux techniques et complexes pour ne pas diviser sur du factuel mais bien constituer un socle de débat démocratique.

« Que cette expertise soit assortie de chiffres réels et pas de l’expertise du scientifique qui dit « regardez, les véhicules électriques ça va être génial, ça va sauver la planète » ou je sais pas quoi, tu vois, ce qu’ils ont tendance à faire, et qu’ils n’alimentent pas des utopies, mais par contre ils se mettent à la disposition des citoyens. »

Un des énormes défis actuels face à cet enjeu est probablement la prolifération des fake news, qui sont renforcées par une multiplication phénoménale de la quantité de nouvelles qui arrivent dans la tête des citoyens qui n’ont pas nécessairement le temps/les moyens de pousser l’analyse sur ce qu’ils lisent/entendent. Et cela est davantage renforcé par la démocratisation de l’usage des réseaux sociaux.

« Ils sont soumis à un flot d’informations, un flot de bonnes ou de mauvaises informations considérables, avec un esprit critique difficile à exercer là-dessus. Et si les scientifiques dans leur rôle de rationalisation des phénomènes n’interviennent pas assez vigoureusement, je ne vois pas comment ils peuvent s’en sortir. »

Benjamin Dessus conclut sur l’importance du facteur temps afin de pouvoir creuser des sujets et construire des espaces de débats pour trouver des solutions aux problématiques identifiées. Décortiquer des sujets aussi complexes que le climat ou l’énergie pour trouver des pistes d’actions concrètes requiert des points de vues les plus variés possibles ainsi que le cadre adéquat pour les poser et en débattre. Il se montrait assez pessimiste quant à l’organisation du Grand Débat qui paraît malheureusement bien loin de ces enjeux…

 

Entretien réalisé le 12 avril 2019 par Bénédicte Goussault et Thomas Germain
pour le groupe de travail “Sciences, Sociétés, Démocratie”

 

Références


  1. Une version numérisée du rapport est accessible via le site de la Gazette du nucléaire : Plan Alter – La gazette du nucléaire ↩︎
  2. Lien du rapport : Rapport officiel du panel de citoyens – 10 février 2002 ↩︎
  3. Voir pour cela les nombreux rapports produits sur le site de Global Chance : http://www.global-chance.org/Le-methane-un-gaz-qui-pese-lourd-sur-le-climat ↩︎
  4. Voir la charte de Global Chance où les principes de base qui gouvernent l’association y sont clairement exprimés : Charte de Global Chance ↩︎

Intervenant.e.s

Session 1 : La science s’invite au tribunal
(16 mars 2021 – 10h-13h)
 

La cause de l’environnement devant les tribunaux

Marie-Angèle Hermitte 

Marie-Angèle Hermitte, chercheur en sciences juridiques, a travaillé au CNRS et à l’EHESS. Elle a toujours situé ses recherches à l’intersection de l’économie industrielle, des sciences et techniques et du droit. Ses travaux portent essentiellement sur la manière de traiter les entités naturelles dans les différents ordres juridiques, que ce soit à travers ce qu’elle appelle « l’animisme juridique », ou sur les manières de faire évoluer le droit, par la législation, par la jurisprudence ou par les actions des citoyens à travers les associations, les actions en justice, les conventions de citoyens, la désobéissance civile …).

 

Christel Cournil 

Christel Cournil est Professeure de droit public à Sciences Po Toulouse. Elle est directrice du Comité de la transition écologique de Sciences Po Toulouse et membre du Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LASSP) et membre associé à l’IDPS de l’Université Sorbonne Paris Nord (Structure fédérative Les Communs). Elle travaille sur les questions de migrations environnementales, les droits de l’Homme, le droit de l’environnement et du climat. Elle mène actuellement des recherches sur les liens entre les droits de l’Homme et l’environnement, la justice climatique et sur les mobilisations du droit par la société civile. Elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs et a publié plus d’une cinquantaine d’articles et de chapitres dans des revues à comité de lecture. Elle a notamment publié plusieurs ouvrages en lien avec le changement climatique et le droit : « Changements climatiques et défis du droit » (Bruylant, 2010), « Les changements environnementaux globaux et les droits de l’Homme » (Bruylant, 2012), « Les politiques climatiques de l’Union européenne et droits de l’Homme » (Larcier 2013), « Mobilité humaine et environnement : du global au local » (Éditions Quæ, 2015), « Quel(s) droit(s) pour les changements climatiques ? » (Mare & Martin, 2018), « Les procès climatiques : du national à l’international » (Pedone 2018) et « Les grandes affaires climatiques » (DICE) (2020), « La fabrique d’un droit climatique au service de la trajectoire 1.5 » (Pedone 2021). Elle est membre du Conseil d’administration de l’association Notre affaire à tous et membre du groupe des juristes de l’Affaire du siècle en France.

Le rôle de l’expert scientifique dans les procédures juridiques

Catherine Bourgain 

Chercheuse en génétique humaine et en sociologie à l’Inserm, Catherine Bourgain mène aujourd’hui des recherches interdisciplinaires sur les impacts sociaux de la génomique au sein du Centre de Recherches Médecine, Sciences, Santé, Société (Cermes3). Membre du comité d’éthique de l’Inserm, elle est administratrice de l’association Sciences Citoyennes. Elle a témoigné à plusieurs reprises au cours de procès pour refus de fichage génétique ou pour discuter de l’usage de « preuves génétiques ». En 2013, elle a publié “ADN superstar ou superflic ?, les citoyens face à une molécule envahissante » (avec P. Darlu, Ed. Seuil)

 

Guy Kastler 

Guy Kastler est vigneron et berger fromager biologique dans le Minervois, aujourd’hui retraité, représentant de la Confédération paysanne et de La Via Campesina dans divers espaces institutionnels nationaux, européens et internationaux sur les semences, les OGM et les droits des paysans, membre des Faucheurs Volontaires d’OGM, anciennement chargé de mission à Nature & Progrès puis délégué général du Réseau Semences Paysannes.

Session 2 : Quand l’action est à la frontière du droit
(23 mars 2021 – 10h-13h)
 

Militantisme légal et désobéissance

Francis Chateauraynaud 

Francis Chateauraynaud est sociologue, directeur d’études à l’EHESS où il dirige le Groupe de Sociologie Pragmatique et Réflexive. A l’origine de la notion de lanceur d’alerte en 1996, ses travaux portent sur les controverses environnementales, sur les conflits politiques et les scénarisations du futur. Il a notamment publié Argumenter dans un champ de forces. Essai de balistique sociologique (Paris, Pétra, 2011) et avec Josquin Debaz, Aux bords de l’irréversible. Sociologie pragmatique des transformations (Paris, Pétra, 2017) et plus récemment Alertes et lanceurs d’alerte (Paris, Humensis, 2020). Attentif aux processus de transformation des causes, il analyse les techniques de prise et d’emprise utilisées par les acteurs les plus influents. Depuis 2005, il anime des séminaires de recherche à Paris et à Marseille, consacrés aux multiples formes de controverses et de mobilisations, interrogeant les répertoires d’action et les conflits de légitimité qu’engendrent leurs transformations. Chateauraynaud est également co-auteur d’instruments socio-informatiques, dont le logiciel Marlowe, une contre-intelligence artificielle, dotée d’un esprit critique et capable de composer des chroniques publiées sur le Web.

Marie-Angèle Hermitte 

Marie-Angèle Hermitte, chercheur en sciences juridiques, a travaillé au CNRS et à l’EHESS. Elle a toujours situé ses recherches à l’intersection de l’économie industrielle, des sciences et techniques et du droit. Ses travaux portent essentiellement sur la manière de traiter les entités naturelles dans les différents ordres juridiques, que ce soit à travers ce qu’elle appelle « l’animisme juridique », ou sur les manières de faire évoluer le droit, par la législation, par la jurisprudence ou par les actions des citoyens à travers les associations, les actions en justice, les conventions de citoyens, la désobéissance civile …).

 

Tribunaux alternatifs : quels objectifs et quelles règles du jeu ? Intérêts, limites, pistes d’amélioration

Gus Massiah  

Gustave Massiah, ingénieur et économiste, ancien enseignant à l’Ecole d’Architecture de Paris-La Villette, UPA6. Ancien Président du CRID (Centre de Recherches et d’Informations sur le Développement). Membre du Conseil Scientifique d’ATTAC et ancien Vice-Président d’ATTAC-France. Membre du Conseil International du Forum Social Mondial (représentant du CRID). Membre fondateur du CEDETIM (Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale), du réseau IPAM (Initiatives pour un autre monde) de l’AITEC (Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs). Ancien secrétaire général de la Ligue Internationale pour les droits et la libération des peuples, créée pour accompagner la Déclaration universelle pour les droits des peuples, et la création du Tribunal Permanent des Peuples, en 1976 à Alger. Parmi ses publications : La crise de l’impérialisme, avec Samir Amin (1975, Paris, Editions de Minuit) ; Une stratégie altermondialiste, (2011, Paris, Editions La Découverte).

Jean Matringe  

Jean Matringe est professeur de droit international à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne où il dirige le Master 2 de droit comparé, spécialité droits africains, de cette école. Ayant été juge à la Cour nationale du droit d’asile et travaillant avec plusieurs ONG pour la défense des droits des migrants, il s’intéresse particulièrement, à la protection des droits de la personne humaine, en particulier ceux des migrants. Il a publié plusieurs travaux sur les droits humains et les migrations internationales et donné plusieurs conférences sur ces sujets en France, aux Etats-Unis d’Amérique, au Canada, en Côte d’Ivoire, à Madagascar, au Mali, en Italie, au Cameroun, en Suisse et en Egypte.

Arnaud Apoteker 

Aujourd’hui délégué général de l’association Justice Pesticides, Arnaud Apoteker a longtemps été responsable de la campagne OGM pour Greenpeace France. Doté d’une formation scientifique, il a été l’un des acteurs clés pour obtenir l’interdiction de la culture des OGM en France en 2008. Entre mai 2011 et mars 2015, il a mené cette bataille à l’échelle européenne pour le compte du Groupe Les Verts/ALE au Parlement européen, avant de coordonner le Tribunal Monsanto jusqu’à sa conclusion en avril 2017. 

 

 

Session 3 : Protéger l’action militante
(30 mars 2021 – 10h-13h)
 

Vade-mecum pour l'action militante

Sarah Massoud

Sarah Massoud est membre du bureau national du Syndicat de la magistrature, en qualité de secrétaire nationale, depuis un peu plus d’un an. Ce syndicat, né dans l’après mai 68, milite notamment pour la défense des droits et libertés fondamentales et pour une justice indépendante afin de permettre une justice égale pour tous. Lorsque elle ne se consacre pas à plein temps à l’action syndicale, elle officie comme juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bobigny. Elle a précédemment occupé les fonctions de juge d’instruction et de substitut du procureur, toujours dans des juridictions d’Ile de France.

Nathalie Tehio 

Nathalie Tehio a grandi en Nouvelle-Calédonie où son père était l’avocat des Kanaks, et donc des indépendantistes. Elle a été ainsi en contact avec la violence liée à la colonisation et a été sensibilisée au racisme et à l’arbitraire de l’Etat. En mai 2019, elle a participé à la création de l’Observatoire parisien des libertés publiques, puis a été désignée référente des observatoires pour la Ligue, étant élue au sein des organes nationaux de la Ligue. Elle s’occupe avec d’autres membres du bureau national des questions de justice – police.

 

Katia Roux   

Katia Roux est chargée de plaidoyer au sein du programme Libertés individuelles et collectives d’Amnesty International France, en charge des questions relatives aux libertés d’expression et aux restrictions des espaces de la société civile. Diplômée en relations internationales et en philosophie morale et politique, elle a également été en charge de campagnes portant sur des enjeux de justice sociale et de droits économiques sociaux et culturels pendant plusieurs années au sein d’ActionAid France.

 

Procès-bâillon: comment faire face ?

Laura Bourgeois   

Laura est chargée de Contentieux stratégique et de Plaidoyer à Sherpa.

Dans ce cadre, elle a notamment à connaître des contentieux que rencontre Sherpa contre Bolloré : celui initié par un collectif d’ONG afin de contraindre Bolloré à respecter le plan d’actions élaboré devant le Point de Contact National français de l’OCDE pour remédier aux pratiques dommageables de la SOCAPALM, et ceux initiés en riposte pas la société. Avant de rejoindre Sherpa, Laura a pratiqué quelques années le contentieux des affaires en cabinet d’avocats, et notamment le droit de la presse, qui inclut les cas de diffamation.

Laura Monnier 

Laura Monnier est juriste senior à Greenpeace France depuis 2015. Ex-avocate, elle est responsable des contentieux initiés par l’association, de la gestion des risques et de la stratégie de défense. Elle travaille notamment dans des domaines tels que l’énergie (nucléaire, programmation énergétique), le pétrole (forages), les transports, la forêt (huile de palme et bois illégal) et le climat (responsabilité des acteurs publics et privés). Elle suit également les questions de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

 

 

Julie Majerczak

Julie Majerczak est la représentante de Reporters sans frontières (RSF) auprès des institutions européennes. Elle représente l’ONG de défense de la liberté de la liberté de la presse depuis avril 2016. Avant de rejoindre RSF, elle a été journaliste pendant 16 ans. Spécialiste des questions européennes et environnementales, elle a travaillé pendant 10 ans pour le quotidien français Libération comme correspondante à Bruxelles. Elle a également été la correspondante du quotidien Le Parisien, de la radio RTL et des médias en ligne Contexte et Novethic. Julie a aussi été l’assistante parlementaire d’un député européen et la conseillère d’une ministre de l’environnement. Né à Paris, Julie est diplômée de Sciences Po Paris, titulaire d’une maîtrise de droit et d’un diplôme d’étude approfondie en sciences politiques.

 

Session 4 : Le droit comme mode d’action
(8 avril 2021 – 14h-17h)
 

Le recours au juge dans les luttes militantes

Danièle Lochak 

Danièle Lochak est professeur émérite de droit public de l’université Paris Nanterre où elle a eu, jusqu’en 2006, la responsabilité du master « Droits de l’Homme » ainsi que du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (CREDOF). Elle est membre du Gisti, dont elle a été présidente de 1985 à 2000, et de la Ligue des droits de l’homme. Ses recherches et ses principales publications portent sur la théorie générale des droits et libertés, le droit des étrangers et les politiques d’immigration, les discriminations, les usages sociaux du droit. Parmi ses ouvrages récents, figurent Les droits de l’homme, (La Découverte, 2018), Le droit et les Juifs en France depuis la Révolution (Dalloz, 2019) et Le droit et les paradoxes de l’universalité (PUF, 2010)

Nicolas Ferran  

Nicolas Ferran est docteur en droit public. De 1995 à 2011, il s’est engagé auprès de la Cimade et a fondé, en 2007 le mouvement des « Amoureux au ban public », qui se donnait pour objectif d’offrir aux couples franco-étrangers un espace de mobilisation collective pour la défense de leurs droits. Il a assuré la coordination nationale de ce mouvement jusqu’en décembre 2010. Il est également membre du Gisti depuis plusieurs années. Depuis janvier 2011, il occupe le poste de responsable du pôle contentieux de l’Observatoire international des prisons et a donc pour mission de définir et de conduire la stratégie contentieuse de l’association. Documentariste à ses heures perdues, Nicolas Ferran a réalisé deux films documentaires sur les effets effets dévastateurs des politiques d’immigration sur les couples franco-étrangers (« Amoureux au ban public, 2010) et sur une structure d’accueil de personnes condamnées en fin de peine (« A l’air libre », co-réalisation avec Samuel Gautier, 2016).

 

L'action de groupe

Arthur Messaud    

Arthur a rejoint La Quadrature du Net en 2013, au moment où celle-ci commençait son travail d’influence sur le RGPD débattu au Parlement européen. En mai 2018, La Quadrature du Net déposait devant la CNIL les cinq premières plaintes collectives permises par ce règlement, réunissant 12 000 plaignants contre Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft. En plus de lutter contre la surveillance publicitaire, Arthur participe à la lutte contre la surveillance d’État dans une série de contentieux opposant La Quadrature au gouvernement depuis 2015.

 

Michele Spanò 

Michele Spanò, philosophe et juriste, est maitre de conférences à l’EHESS depuis 2017.  Il est membre du LIER-FYT, codirige la mention Etudes Politiques de l’EHESS et il est membre des conseils pédagogiques Master IOES (PSL).    Il s’intéresse aux procédures et aux techniques à travers lesquelles la représentation, la production, la revendication et la mobilisation de ce qui est ‘collectif’ ou ‘commun’ – acteurs, droits, biens, intérêts – se joue dans le domaine du droit privé. L’analyse et l’histoire de ces opérations implique d’un côté l’étude de toutes une série de techniques normatives diverses et irréductibles aux formes classiques de la représentation politique moderne ; de l’autre côté, elle entraîne une enquête sur la manière dont le droit occidental lui-même, bâti sur le pilier de la primauté du droit subjectif, est en train de changer pour faire place à tout ce qui est collectif et commun. Il est l’auteur des plusieurs publications, en plusieurs langues, portant sur l’histoire et la théorie du droit privé (propriété, contrats, responsabilité), les actions collectives en justice, les biens communs et l’histoire de la pensée politique. Entre autres, il a écrit un livre concernant les « class actions » et un manuel de philosophie sociale.

 

Maria José Azar-Baud

Maria José AZAR-BAUD est Maître de conférences à l’Université Paris-Saclay, et conférencière dans plusieurs universités étrangères et françaises.  Elle a un double doctorat (universités Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de Buenos Aires) – portant sur Les actions collectives en droit français et argentin à la lumière du droit comparé, Dalloz 2013 – ; elle est l’auteure d’une centaine de contributions en français, anglais et espagnol dont l’une de auteurs de l’étude faite en 2018 pour le Parlement européen – State of play of Collective redress in Europe – (avec une équipe de Trans Europe Experts). Elle est également co-directrice de la Clinique juridique Paris-Saclay et fondatrice de l’Observatoire des actions de groupe et autres actions collectives, créé en 2017. Outre l’enseignement et la formation (IEJ, ENM), Maria José est avocate au Barreau de Paris (ancienne avocate au Barreau de Buenos Aires où elle a dirigé une association de consommateurs agréées) et Conseil indépendante en matière de Gestion de disputes de masse (côté demandeur et en défense); elle est membre du Directoire de deux organisations non gouvernementales européennes qui poursuivent l’accès à la justice à une échelle collective. Elle a été auditionnée au Sénat et à l’Assemblée ainsi qu’au Parlement européen.

 

Quels avocats pour les causes?

Claire Dujardin    

Claire Dujardin est avocate depuis 2006 au barreau de TOULOUSE, exerçant principalement en droit des étrangers et en droit pénal. Elle a participé à la défense collective sur la ZAD de Sivens, dans les mouvements sociaux et manifestations. Membre du Syndicat des Avocats de France, elle est en charge notamment des questions de police, maintien de l’ordre et répression judiciaire des manifestants.

 

Marie-Angèle Hermitte 

Marie-Angèle Hermitte, chercheur en sciences juridiques, a travaillé au CNRS et à l’EHESS. Elle a toujours situé ses recherches à l’intersection de l’économie industrielle, des sciences et techniques et du droit. Ses travaux portent essentiellement sur la manière de traiter les entités naturelles dans les différents ordres juridiques, que ce soit à travers ce qu’elle appelle « l’animisme juridique », ou sur les manières de faire évoluer le droit, par la législation, par la jurisprudence ou par les actions des citoyens à travers les associations, les actions en justice, les conventions de citoyens, la désobéissance civile …).

Note de cadrage

Cette note de cadrage est le résultat d’un travail de réflexion démarré en 2019 par la réalisation d’une trentaine d’entretiens sur des expériences emblématiques, réussies ou non, de synergie entre sciences, sociétés et démocratie. De ces entretiens ont émergé des thèmes de travail transversaux tels que « La place du droit dans les mobilisations », objet du présent cycle, ou encore « Le lien entre expertise et décision publique », actuellement en chantier.

Climat, risque industriel, intelligence artificielle. Mais aussi retraites, immigration, travail. Nos sociétés sont traversées par des questionnements, débats, mouvements et conflits dans lesquels les sciences et/ou les techniques ont un rôle à jouer. Aujourd’hui, les orientations politiques et les financements sont largement déterminés par la course à l’innovation technologique et la recherche de profit immédiat, la concurrence entre les entreprises transnationales et la compétitivité des territoires.

Quatre associations – Sciences Citoyennes, IPAM, AITEC et Global Chance – mènent un travail collectif en vue de construire une alliance entre mouvements sociaux et scientifiques qui contribuera à changer le rapport de force pour le mettre au service du bien commun. Nous avons mené une série d’entretiens avec des personnalités – scientifiques, militant et militantes, juristes, philosophes – afin d’identifier des leçons, positives et négatives, des actions et luttes du passé. Plusieurs thèmes ressortent de ces entretiens comme terreaux féconds, et notamment la judiciarisation comme outil offensif et défensif. Les idées et propos évoqués dans cette note proviennent de ces entretiens. (suite…)